À l'heure où les fondations du monde semblent ébranlées par une succession ininterrompue de crises environnementales, humanitaires, politiques et économiques, un concept porteur d’espoir émerge, questionnant les limites de nos modèles de fonctionnement : la post-croissance. Au cœur de cette réflexion, l'ICHEC héberge désormais une nouvelle Chaire dédiée à l’étude de ce nouveau paradigme, en partenariat avec l'Université de Liège.
Martin François, PHD
Martin François, l'un des fondateurs de cette Chaire, nous plonge dans les contours et la mission de cette initiative qui envisage une société où la valeur n'est plus mesurée uniquement par des indicateurs économiques, mais par le bien commun
Quel est ton parcours ?
Mon parcours interdisciplinaire a débuté par des études simultanées en sociologie, anthropologie, et information/communication en bachelier, suivi d'un Master en sciences et gestion de l'environnement. J’ai ensuite œuvré dans le secteur de l'économie sociale pendant 10 ans. La réduction des inégalités a toujours été le fil conducteur de mes activités. Cela m’a conduit à élargir mon champ d'action au-delà de l'entreprise, à travers la rédaction d’un Doctorat. J’y explore la réduction des inégalités économiques dans un contexte de post-croissance. Plus spécifiquement, mon questionnement porte sur le seuil d'acceptabilité des limites imposées à la richesse, comme l’idée d’un salaire maximal.
Comment s’est mise en place la nouvelle Chaire Prospérité et Post-croissance ?
La création de la Chaire vise à fédérer les chercheurs belges spécialisés en post-croissance, avec Géraldine Thiry et Philippe Roman de l'ICHEC, Kevin Maréchal et Sybille Mertens de l'Université de Liège en tant que figures clés. Cette structure renforce la légitimité de nos recherches, facilitant leur financement, et suscite l'adhésion d'autres chercheurs, dont Fanny Dethier qui collabore avec Philippe Roman sur un projet lié au concept du Donut.
Quelle est ta définition de la Post-croissance ?
J’aime la définition qu’en donne Timothée Parrique. Selon lui, la Post-croissance est l’état de la société auquel on souhaite aboutir, l’objectif final. La décroissance est le chemin pour y parvenir. On sait aujourd’hui que la croissance économique comme fin en soi n’apporte rien au bien-être social et environnemental, au contraire. La croissance participe à l’augmentation de dégâts environnementaux et sociaux majeurs dont les effets seront catastrophiques sur le long-terme.
La croissance comme seul indicateur de santé d’une société n’a plus de sens. Le point de départ de la post-croissance est la déconstruction de ce lien toxique qui nous lie à la croissance. D’un point de vue sémantique, la notion de décroissance implique dans notre imaginaire un état stationnaire, dévaluant.
Nous avons adjoint le terme « prospérité » à la Chaire car l’objectif d’une société post-croissance est un état d’équilibre et d’harmonie où l’accent est mis sur le bien-être et la qualité de vie des populations.
Quel indicateur pourrait remplacer le PIB dans ce nouveau paradigme ?
Une solution avancée est l'économie du Donut, un modèle servant de boussole pour évaluer une société qui maximise le bien-être tout en respectant les limites planétaires. Cette approche, étudiée à la Chaire, représente un idéal de société en post-croissance.
Comment susciter l'adhésion de la population à la post-croissance ?
Malgré la complexité du terme, les populations adhèrent déjà à de nombreuses idées de la post-croissance, comme la proposition de mettre le bien-être au centre de la politique économique ou encore l’idée que la croissance économique n’est pas infinie dans un monde fini. Politiquement, la post-croissance ne favorise aucunement un parti particulier. Au contraire, dans une société en post-croissance, les indicateurs de bien-être et d'éducation sont définis démocratiquement. Nous envisageons un nouveau paradigme, une nouvelle manière de concevoir la société, en dehors du dualisme gauche/droite duquel il est parfois difficile de s’extraire dans l’imaginaire collectif.
La post-croissance est un projet de société, voulu et choisi, contrairement à la décroissance forcée que nous avons expérimentée récemment avec l’épidémie de Covid-19 et que nous expérimenterons encore dans le futur. Envisager la post-croissance proactivement permet de reprendre le contrôle sur notre évolution.
Il s’agit également d’une opportunité pour l’Europe d’être avant-gardiste et de s’affranchir de sa subordination à des mécanismes qui ne lui sont pas bénéfiques. Nous avons souvent été novateurs et disruptifs au fil de l’histoire, pourquoi pas aujourd’hui ?
Propos recueillis par Raphaël Jomaux
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